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GILLES DE RAIS.

aller plus loin encore : s’il ne fut pas le complice du favori, a-t-il donc été si étroitement lié à sa fortune[1] ?

Il existe un document qui, mal compris et mal commenté, pourrait le faire penser. Il est à supposer que l’historien de Charles VII l’a consulté. Mais, s’il l’a fait, il n’avait certainement pas le droit de s’en servir pour appuyer son opinion ; car ce document ne renferme rien qui puisse la soutenir. Il est tiré des originaux du château de Thouars et copié dans les manuscrits du célèbre bénédictin D. Fonteneau, conservés aujourd’hui à la Bibliothèque publique de Poitiers. C’est un acte par lequel Gilles, seigneur de Rais et de Pouzauges, « s’engage sur son honneur à une fidélité inviolable envers Georges, seigneur de la Trémoille, de Sully et de Craon, pour le service du Roi. » En reconnaissance « des grands biens, honneurs et courtoisies » qu’il a reçus en maintes occasions, il jure au ministre un attachement inviolable ; il promet par serment de le servir « jusques à mort et à vie, envers tous et contre tous seigneurs et autres, sans nul excepter, de quelque estat qu’il soit,… toujours en la bonne grâce et amour du Roi. » Cet engagement est signé de la main de Gilles, muni de son sceau et daté de Chinon, le 8 avril 1429. Selon toutes les probabilités, le roi y était alors revenu de Poitiers avec la Pucelle. De Jeanne d’Arc, d’un complot contre elle, de mesures secrètes prises dans le dessein de faire échouer son entreprise, on ne voit pas de traces ; rien dans les termes, absolument rien, ne fait supposer que l’on ait trafiqué alors de la liberté ou du sang de la jeune fille. On dira peut-être qu’un si noir complot ne pouvait être confié au parchemin. Peut-être, en effet ; mais rien n’autorise non plus à penser et à dire d’un document ce qu’il ne contient pas ; or, en dehors de ce document, il est impossible

  1. C’est avec plaisir qu’après avoir fini cette étude des rapports de Gilles de Rais avec Jeanne d’Arc, j’ai constaté que M. Wallon lui-même le range parmi ses compagnons, c’est-à-dire, dans sa pensée, parmi ses amis. Il est facile de le voir par l’Appendice XXIV du second volume de sa Jeanne d’Arc :


    « Les ennemis et les compagnons de la Pucelle. »