Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
63
SA CHAPELLE.

à Lyon, un chapitre de chanoines mitrés, vêtus, comme ils le sont aujourd’hui encore, de la cappa magna, « plus semblable à un synode d’évêques qu’à une assemblée de chanoines », selon l’expression de ses héritiers ; or, son affection pour sa chapelle était si peu réglée, qu’il envoya plusieurs députations au pape, pour en obtenir que ses chantres « fussent mitrés comme des prélats ou comme les chanoines de l’église de Lyon »[1]. Mais le pape, « dûment averti » par la famille de Gilles, n’y voulut jamais consentir ; non plus autoriser la fondation canonique de la collégiale que Gilles avait dotée, et dont il avait lui-même, s’il faut en croire un de ses complices, rédigé de sa propre main les règles et les statuts[2].

Ce « collège », composé de vingt-cinq à trente personnes, formait, avec leurs serviteurs, une suite de plus de cinquante hommes, qui, avec sa maison militaire, accompagnaient le maréchal dans tous ses voyages.

Ils marchaient tous à cheval ; chacun vivait partout sur les deniers du maître. Sa générosité envers eux n’avait ni mesure, ni discrétion : il leur donnait des chevaux et des « haquenées » du plus grand prix[3] ; ils étaient payés chacun selon son office et sa dignité ; mais tous avec une prodigalité ridicule. Il y en avait plusieurs qui touchaient, chaque année, trois cents et même quatre cents écus de traitement. D’ailleurs, comme ils n’avaient rien à prélever sur leurs gages pour leur entretien personnel, il se trouvait que leur service coûtait à Gilles des sommes énormes. Lorsqu’ils étaient « à séjour et à l’église, » il les vêtait de longues robes traînantes jusques à terre, d’écarlate et d’autres draps fins, « fourrés de martes, de gris, de menu-vair ; et d’autres fines plumes et fourrures… ; ils usaient d’ailleurs de grandes pompes et bombances » ; tels étaient leurs costumes en dehors des cérémonies religieuses. Au chœur, c’étaient « des sur-

  1. Mémoire des Héritiers. fos 7 et 8, ro et vo.
  2. Proc. Ecclés., Déposition de Blanchet, fo 96.
  3. Mémoire des Héritiers, fo 7 vo.