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Page:Bossert - Essais sur la littérature allemande, Série I, 1905.djvu/89

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Charlotte de Stein vint à point nommé lui donner un démenti. Sa liaison avec Goethe et la longue correspondance qu’elle eut avec lui commencèrent aux premiers jours de 1776. C’était cependant une liaison d’une autre sorte que les précédentes. Mme de Stein avait alors trente-trois ans, c’est-à-dire sept ans de plus que Goethe; son mari, grand écuyer de Charles-Auguste, avait une certaine situation à la cour; elle avait déjà perdu cinq enfants, et deux fils lui restaient. « C’est une personne vraiment intéressante, écrivait Schiller quelques années plus tard, et je comprends que Goethe se soit si complètement attaché à elle. Elle n’a jamais dû être belle, mais elle a dans sa figure un mélange de gravité et de douceur et une sorte de franchise qui attire. » Goethe l’appelle quelque part « celle qui apaise » (die Besaenftigerin); il lui redit sur tous les tons, dans la correspondance, qu’elle l’a calmé, ennobli, qu’elle lui a enseigné la sagesse et la mesure, qu’elle l’a guéri des extravagances folles; il se compare lui-même à un mauvais repaire qu’elle a purifié et dont elle a pris possession. Il est évident que cette transformation de son être dont Goethe fait honneur à Mme de Stein était en grande partie sa propre œuvre; mais il n’en est pas moins vrai qu’elle représentait, à ce moment, et personnifiait à ses yeux un ensemble de qualités qu’il cherchait à donner à sa poésie, qu’elle était l’idéal féminin qui correspondait pour lui à un certain