Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/182

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Mais la raison estoit foible et corrompuë ; et à mesure qu’on s’éloignoit de l’origine des choses, les hommes brouïlloient les idées qu’ils avoient receûës de leurs ancestres. Les enfans indociles ou mal appris n’en vouloient plus croire leurs grands-peres décrepits, qu’ils ne connoissoient qu’à peine aprés tant de générations ; le sens humain abruti ne pouvoit plus s’élever aux choses intellectuelles, et les hommes ne voulant plus adorer que ce qu’ils voyoient, l’idolatrie se répandoit par tout l’univers. L’esprit qui avoit trompé le premier homme goustoit alors tout le fruit de sa séduction, et voyoit l’effet entier de cette parole, vous serez comme des dieux . Dés le moment qu’il l’a profera, il songeoit à confondre en l’homme l’idée de Dieu avec celle de la créature, et à diviser un nom dont la majesté consiste à estre incommunicable. Son projet luy réüssissoit. Les hommes ensevelis dans la chair et dans le sang avoient pourtant conservé une idée obscure de la puissance divine qui se soustenoit par sa propre force ; mais qui brouïllée avec les images venuës par leurs sens, leur faisoit adorer toutes les choses où il paroissoit quelque activité et quelque puissance. Ainsi le soleil et les astres qui se faisoient sentir de si loin, le feu et les élemens dont les effets estoient si universels, furent les premiers objets de l’adoration publique. Les grands rois, les grands conquerans qui pouvoient tout sur la