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Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/263

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éclairez depuis tant de siécles de sa connoissance, oublierent que sa bonté seule les avoit separez des autres peuples, et regarderent sa grace comme une dette. Race eleûë et toûjours benie depuis deux mille ans, ils se jugerent les seuls dignes de connoistre Dieu, et se crurent d’une autre espece que les autres hommes qu’ils voyoient privez de sa connoissance. Sur ce fondement, ils regarderent les gentils avec un insupportable dédain. Estre sorti d’Abraham selon la chair, leur paroissoit une distinction qui les mettoit naturellement au dessus de tous les autres ; et enflez d’une si belle origine, ils se croyoient saints par nature, et non par grace : erreur qui dure encore parmi eux. Ce fut les pharisiens, qui cherchant à se glorifier de leurs lumieres, et de l’exacte observance des céremonies de la loy, introduisirent cette opinion vers la fin des temps. Comme ils ne songeoient qu’à se distinguer des autres hommes, ils multiplierent sans bornes les pratiques exterieures, et débiterent toutes leurs pensées, quelque contraires qu’elles fussent à la loy de Dieu, comme des traditions authentiques.

Encore que ces sentimens n’eussent point passé par decret public en dogme de la synagogue, ils se couloient insensiblement parmi le peuple, qui devenoit inquiet, turbulent, et seditieux. Enfin les divisions qui devoient estre selon leurs prophetes le commencement de leur