Aller au contenu

Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/509

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ordres. Il y alloit de la vie, non seulement à fuir, à quiter ses armes, à abandonner son rang, mais encore à se remuër, pour ainsi dire, et à branler tant soit peu sans le commandement du général. Qui mettoit les armes bas devant l’ennemi, qui aimoit mieux se laisser prendre que de mourir glorieusement pour sa patrie, estoit jugé indigne de toute assistance. Pour l’ordinaire on ne comptoit plus les prisonniers parmi les citoyens, et on les laissoit aux ennemis comme des membres retranchez de la république. Vous avez veû dans Florus et dans Ciceron l’histoire de Régulus qui persuada au senat, aux dépens de sa propre vie, d’abandonner les prisonniers aux carthaginois. Dans la guerre d’Annibal, et aprés la perte de la bataille de Cannes, c’est à dire, dans le temps où Rome épuisée par tant de pertes manquoit le plus de soldats, le senat aima mieux armer contre sa coustume huit mille esclaves que de racheter huit mille romains qui ne luy auroient pas plus cousté que la nouvelle milice qu’il fallut lever. Mais dans la necessité des affaires on établit plus que jamais comme une loy inviolable, qu’un soldat romain devoit ou vaincre ou mourir.

Par cette maxime les armées romaines, quoy-que défaites et rompuës, combatoient et se rallioient jusqu’à la derniere extrémité ; et comme remarque Salluste, il se trouve parmi les romains plus de gens punis pour avoir combatu sans