Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/557

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peu à peu l’affoiblir par des prétextes specieux, et faire par ce moyen qu’elle pust estre ruinée par la force ouverte.

La tromperie, selon Aristote, devoit commencer en flatant le peuple, et devoit naturellement estre suivie de la violence.

Mais de là on devoit tomber dans un autre inconvenient par la puissance des gens de guerre, mal inévitable à cét estat.

En effet cette monarchie que formerent les Cesars s’estant érigée par les armes, il falloit qu’elle fust toute militaire ; et c’est pourquoy elle s’établit sous le nom d’empereur, titre propre et naturel du commandement des armées. Par là vous avez pû voir que comme la république avoit son foible inévitable, c’est à dire, la jalousie entre le peuple et le senat ; la monarchie des Cesars avoit aussi le sien, et ce foible estoit la licence des soldats qui les avoient faits. Car il n’estoit pas possible que les gens de guerre qui avoient changé le gouvernement, et établi les empereurs, fussent long-temps sans s’appercevoir que c’estoit eux en effet qui disposoient de l’empire.

Vous pouvez maintenant ajouster aux temps que vous venez d’observer, ceux qui vous marquent l’estat et le changement de la milice ; celuy où elle est soumise et attachée au senat et au peuple romain ; celuy où elle s’attache à ses généraux ; celuy où elle les éleve à la puissance absoluë