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Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/559

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des créanciers sur leurs débiteurs ont excité de grandes et de frequentes révoltes. La prodigieuse quantité de gladiateurs et d’esclaves dont Rome et l’Italie estoit surchargée, ont causé d’effroyables violences, et mesme des guerres sanglantes. Rome épuisée par tant de guerres civiles et étrangeres se fit tant de nouveaux citoyens ou par brigue ou par raison, qu’à peine pouvoit-elle se reconnoistre elle-mesme parmi tant d’étrangers qu’elle avoit naturalisez. Le senat se remplissoit de barbares : le sang romain se mesloit : l’amour de la patrie par lequel Rome s’estoit élevée au dessus de tous les peuples du monde n’estoit pas naturel à ces citoyens venus de dehors ; et les autres se gastoient par le mélange. Les partialitez se multiplioient avec cette prodigieuse multiplicité de citoyens nouveaux ; et les esprits turbulens y trouvoient de nouveaux moyens de brouïller et d’entreprendre. Cependant le nombre des pauvres s’augmentoit sans fin par le luxe, par les débauches, et par la fainéantise qui s’introduisoit. Ceux qui se voyoient ruinez n’avoient de ressource que dans les seditions, et en tout cas se soucioient peu que tout perist aprés eux. Vous sçavez que c’est ce qui fit la conjuration de Catilina. Les grands ambitieux et les miserables qui n’ont rien à perdre aiment toûjours le changement. Ces deux genres de citoyens prévaloient dans Rome ; et l’estat mitoyen, qui seul tient tout en balance