Page:Bossuet - Textes choisis et commentés par H. Brémond, tome 1 - 1913.djvu/236

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elle sait qu’il y est toujours pour les pécheurs. C’est un titre infaillible pour l’aborder, que de sentir qu’on a besoin de son secours ; et il n’y a point de rebut à craindre, pourvu qu’on ne tarde pas à lui exposer ses misères.

Allons donc, mes frères, d’un pas diligent, et courons avec Madeleine au divin Sauveur qui nous attend depuis tant d’années. Que dis-je, qui nous attend ? qui nous prévient, qui nous cherche, et qui nous aurait bientôt trouvés, si nous ne faisions effort pour le perdre. Portons-lui nos parfums avec cette sainte pénitente, c’est-à-dire de saints désirs ; et allons répandre à ses pieds des larmes pieuses. Ne différons pas un moment de suivre l’attrait de sa grâce ; et pour obtenir cette promptitude qui fera le sujet de ce discours, demandons la grâce du Saint-Esprit par l’intercession de la sainte Vierge. (Ave.)

Une lumière soudaine et pénétrante brille aux yeux de Madeleine ; une flamme toute pure et toute céleste commence à s’allumer dans son cœur ; une voix s’élève au fond de son âme, qui l’appelle par plusieurs cris redoublés aux larmes, aux regrets, à la pénitence. Elle est troublée et inquiète ; sa vie passée lui déplaît, mais elle a peine à changer si tôt : sa jeunesse vigoureuse lui demande encore quelques années ; ses anciens attachements lui reviennent et semblent se plaindre en secret d’une rupture si prompte ; son entreprise l’étonne elle-même ; enfin toute la nature conclut à remettre et à prendre un peu de temps pour se résoudre.

Tel est, messieurs, l’état du pécheur, lorsque Dieu l’invite à se convertir : il trouve toujours de nouveaux prétextes, afin de retarder l’œuvre de la grâce. Que ferons-nous et que dirons-nous ? lui donnerons-nous le temps de délibérer sur une chose toute décidée, et que l’on perd si peu qu’on hésite ? Ah ! ce serait outrager l’esprit de Jésus, qui ne veut pas qu’on doute un moment de ce qu’on lui doit. Mais s’il faut pousser ce pécheur encore incertain et irrésolu, et toutefois déjà ébranlé, par quelle raison le pourrons-nous vaincre ? Il voit toutes les raisons, il en voit la force ; son esprit est rendu, son cœur tient encore, et ne demeure invincible que par sa propre faiblesse. Chrétiens, parlons à ce cœur ; mais certes la voix d’un homme ne perce pas si avant : faisons parler Jésus-Christ, et tâchons seulement d’ouvrir tous les cœurs à cette voix pénétrante. « Maison de Jacob, dit le saint prophète, écoutez la voix du Seigneur » ; âmes rachetées du sang d’un Dieu, écoutez ce Dieu qui vous