Page:Bossuet - Textes choisis et commentés par H. Brémond, tome 1 - 1913.djvu/285

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force dans la loi de grâce, et que les chrétiens soient moins obligés à cette attention que les juifs, nous déshonorons le christianisme, et faisons honte à Jésus-Christ et à l’Évangile. Le faux prophète des Arabes, dont le paradis est tout sensuel, et dont toute la religion n’est que politique, n’a pas laissé de prescrire à ses malheureux sectateurs d’adorer cinq fois le jour ; et vous voyez combien ils sont ponctuels à cette observance. Les chrétiens se croiront-ils dispensés de penser à Dieu, parce qu’on ne leur a point marqué des heures précises ? C’est qu’ils doivent veiller et prier toujours. Le chrétien doit veiller et prier sans cesse et vivre toujours attentif à son salut éternel. Ne pensez pas que cette pratique vous soit impossible ; le passage que j’ai récité vous en donne un infaillible moyen. Si Dieu ordonne aux Israélites de s’occuper perpétuellement de ses saints préceptes, il leur ordonne auparavant de l’aimer et de prendre à cœur son service. Aimez, dit-il, le Seigneur, et mettez en votre cœur ses saintes paroles. Tout ce que nous avons à cœur nous revient assez de soi-même, sans forcer notre attention, sans tourmenter notre esprit et notre mémoire. Demandez à une mère s’il faut la faire souvenir de son fils unique. Faut-il vous avertir de songer à votre fortune et à vos affaires ? Lorsqu’il semble que votre esprit soit ailleurs, n’êtes-vous pas toujours vigilants et toujours trop vifs et secrètement attentifs sur cette matière, sur laquelle le moindre mot vous éveille ? Si vous pouviez prendre à cœur votre salut éternel et vous faire une fois une grande affaire de celle qui devrait être la seule, nos salutaires avertissements ne vous seraient pis un supplice, et vous penseriez de vous-mêmes mille fois le jour à un intérêt de cette importance. Mais, certes, ni nous n’aimons Dieu, ni nous ne songeons à nous-mêmes, et ne sommes chrétiens que de nom. Excitons-nous enfin, et prenons à cœur notre éternité.

Grand roi, qui surpassez de si loin tant d’augustes prédécesseurs, que nous voyons infatigablement occupé aux grandes affaires de votre État qui embrassent les affaires de toute l’Europe ; je propose à ce grand génie un ouvrage plus important et un objet bien plus digne de son attention : c’est le service de Dieu et votre salut. Car, Sire, que vous servira d’avoir porté à un si haut point la gloire de votre France, de l’avoir rendue si puissante par mer et par terre, et d’avoir fait, par vos armes et par vos conseils, que le plus célèbre, le plus ancien, le plus noble royaume de l’univers soit aussi en toutes manières le