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Page:Botrel - Chansons de route, 1915.djvu/264

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J’avais chanté devant son Bataillon, la veille
Et je l’entends toujours si je ne le vois plus,
Car, depuis, j’ai gardé, vibrant à mon oreille,
L’accent dont il me dit : « Merci… pour mes Poilus ! »

Ah ! c’est qu’il les aimait, le brave capitaine,
Ses gâs, ainsi que lui taillés, tous, en plein roc !
Aussi nul ne boudait, en revanche, à la peine :
Quand il criait : « Debout ! », tous répondaient : « Arok ![1] »

Et pour vaincre ce Preux sans peur et sans reproche,
Stoïque et résolu, toujours le défiant,
Il fallut que, sournois, l’infâme et lâche Boche
Fît ramper jusqu’à lui le gaz asphyxiant !

Tous ses hommes tombés, sur le pont de Stenstraete[2]
Devant mille démons masqués, il est debout :
Il suffoque, il chancelle… et pourtant rien n’arrête
L’Horatius Coclès breton, Le Goaziou.

Prenant son revolver, il vise : il a la joie
De voir six ennemis tomber ; puis, ferme encor,
Il tire alors son sabre ; et le glaive tournoie ;
Et le Héros têtu frappe jusqu’à la mort !

Il croule enfin — ton Nom, douce France, à la bouche —
Le crâne ouvert, mais beau toujours, mais triomphant,
Ayant tenu, jusques au bout, Breton farouche,
Le serment que « jamais ils ne l’auraient vivant ».

Dors, ô Le Goaziou ! Dors, mon bon camarade !
Là-haut, parmi les Preux où tu viens te ranger,
Beaumanoir et Guesclin te donnent l’accolade :
Ici-bas, tes amis jurent de te venger !

  1. En avant !
  2. Prononcer : Schtenstrette.