Page:Botrel - Contes du lit-clos, 1912.djvu/10

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Tu finissais ta rude tâche,
Tu riais aux Demains vainqueurs :
L’Ankou s’en vint, jaloux et lâche,
Broyer ton corps… broyer nos cœurs !…

J’ai pu, du moins, voir ton martyre ;
Tes maux, j’ai pu les apaiser…
Tu reçus mon premier sourire :
J’ai reçu ton dernier baiser.

Par un pieux et cher mensonge
T’écartant l’éponge de fiel,
J’ai pu, de doux songe en doux songe,
T’amener de la terre au ciel…

Ta raison s’était envolée
Loin de Paris — là-bas — « chez nous » :
Tu demandas une bolée
« De cidre breton, pas trop doux… »

Après quoi, sans râle et sans fièvres,
Vers ton Dieu qui te rappelait
Tu t’en fus, le sourire aux lèvres,
En égrenant ton chapelet…

. . . . . . . . . . . . . . .


Tu n’eus pas le bonheur sur terre,
Mais tu l’as — plus parfait — là-haut :
Dors en paix, digne et solitaire,
Dors ! nous te rejoindrons bientôt !

Ô père ! à la Vierge bénie
Demande en grâce pour les tiens
Qu’ils meurent, leur tâche finie,
En vrais Bretons, en vrais Chrétiens.