Page:Botrel - Contes du lit-clos, 1912.djvu/158

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Or, voilà qu’un soir d’Automne,
— Déjà le Vent monotone
Sentait le grand Vent d’Hiver —
Portant sa Croix sur l’épaule,
Le Christ se rendant en Gaule,
Franchit le vieux seuil ouvert.

L’homme était là, dans sa hutte :
Comme abandonnant la lutte,
Il dormait sur le blé d’or ;
Ses membres tremblaient sans trêve
Et l’on devinait qu’en rêve
Il tournait sa Meule encor !

Au bruit frappant son oreille,
Le pauvre meunier s’éveille…
Et Jésus lui dit : « J’ai froid,
« J’ai faim… je suis seul au Monde ! »
— « Entre ! Homme à la barbe blonde
« Je suis moins pauvre que toi ! »

Il mit un fagot dans l’âtre :
Devant la flamme rougeâtre
Jésus répéta : « J’ai faim ! »
— « Que cela ne te chagrine :
« Espère un peu ! Jean-Farine
« Va te moudre du blé fin ! »

Et puis le voilà qui tourne,
Qui fait la pâte et l’enfourne
Et donne une miche à Dieu…
Puis, brisé, mûr pour la tombe,
Pour la deuxième fois tombe…
Et s’endort au coin du feu !