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Page:Botrel - Contes du lit-clos, 1912.djvu/238

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Et que les grandes fleurs et les petits brins d’herbe
Que frôlait le Seigneur radieux et superbe
En oubliaient, du coup, de saluer leur Dieu.

La Clairière s’ouvrit et, soudain, en un lieu
Lugubre, plein de rocs, de lianes, d’épines,
Propice à l’embuscade et propice aux rapines,
Un lieu dont l’Apreté, la Désolation
Semblaient faites pour l’antre horrible d’un lion,
Ils virent un Voleur au sinistre visage,
À la bouche tordue, à l’œil torve et sauvage,
Souple comme un chacal, velu comme les loups,
Qui tenait un passant dans ses épais genoux,
Et menaçait déjà sa victime abattue
De son poing lourd, armé d’une lame pointue.

Jésus tendit la main en disant : « Sois sauvé ! »
Et le bras que levait l’homme… resta levé !
— On eût dit la statue, en granit roux, du Crime —

Jacques et Jean, de sous lui, tirèrent sa victime.

C’était, dit l’Évangile, un marchand de Kérioth ;
Il venait du marché d’Ebron, et son chariot,
Demi-vide déjà de ses pièces de laine,
Était là, renversé : — mais sa poche était pleine
(Le Voleur le savait) de beaux deniers d’argent.
« Adore ton Sauveur, lui dirent Jacques et Jean,
« Et suis-nous sur les pas du Christ à barbe blonde,
« Car il est le Messie et le Sauveur du Monde ! »

Et l’homme répondit : « Certes, je le suivrai ;
« Mais… plus tard… dans un mois… aussitôt que j’aurai