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LA PITIÉ DES FLEURS




Triste, le cœur jaloux et l’âme en proie au Doute,
Loin de ma douce amie — hélas ! — pauvre exilé !
Par un matin de Juin j’ai quitté la Grand’Route
Et suis tombé, pleurant, dans un grand champ de Blé.

Et là, le cœur battant sur le cœur de la Terre,
J’ai conté mon chagrin aux épis jaunissant…
Mais rien n’a répondu dans le champ solitaire…
Que la Brise d’Été qui chantait en passant !

Et j’ai dit à la Brise : « Où donc est mon amie ?
Songe-t-elle toujours à me garder son cœur ? »
Mais la Brise s’est tue… et, durant l’accalmie,
Vint à moi la chanson d’un oiselet moqueur !

Et j’ai dit à l’Oiseau : « Vite, parle-moi d’Elle ?
Tu l’as sans doute vue, ô petit oiselet ? »
Mais, ainsi que le Vent, s’en alla l’hirondelle…
Et je n’entendis plus que l’eau d’un ruisselet !

Et j’ai dit au Ruisseau : « Montre-moi son visage !
Elle a dû se mirer en toi, petit ruisseau ! »
Mais l’Eau s’en fut, sans me répondre davantage
Que les Épis, la Brise et le petit Oiseau !…