Ressemblant avec leur visage triste et beau
À des anges veillant aux portes d’un tombeau.
Nos Prussiens frissonnaient sans rien laisser paraître,
Et la dame leur dit : « Vous désirez connaître
Les amis qui parfois me viennent visiter ?
Permettez-moi, messieurs, de vous les présenter :
D’abord Mademoiselle Annette, ma cousine,
Dont le père est, croit-on, mort à Sarreguemine ;
Puis Madame Weber qui vient de voir les siens
Massacrés à Beaumont par les Hulans prussiens ;
Madame Haas dont la mère aveugle, pauvre vieille !
Par quelques Bavarois fut brûlée à Bazeille ;
Puis Madame Müller dont l’aïeul, vieux aussi,
Eut les poignets coupés, par vous, à Buzancy ;
Mademoiselle Klein qui vit, à Rezonville,
Ses frères fusillés au milieu de la ville ;
Voici Madame Schwartz dont le frère, un tambour,
Mourut, battant encor la charge, à Wissembourg ;
Madame Heid qui dut voir, un jour, spectacle atroce,
Sa grand’mère, à Forbach, tuée à coups de crosse ;
Puis Madame Schneider : son oncle, un vieux curé
Pris comme otage fut lâchement massacré ;
Et, dans ce coin, Madame Hafner qui devint folle
En voyant ses enfants brûler dans leur école ;
Auprès d’elle, ma nièce ; a souffert presque autant :
Son jeune fiancé, prisonnier de Sedan,
Sous les yeux d’un farouche et sauvage adversaire
Est mort de faim, là-bas, au « Camp de la misère » ;
Enfin Madame Hertz, dont les fils, deux officiers,
Périrent à Morsbronn avec leurs cuirassiers ! »
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