Page:Botrel - Le Mystere de Keravel.djvu/14

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Robert. — Lui-même : Henry !

Jean. — Et vous avez les preuves que c’est lui… bien lui ?…

Robert. — Il me les a fournies, toutes !

Jean. — Alors, riez encore de mes pressentiments : je ne me suis pas trompé. Car si cet homme est réellement notre… est réellement celui que vous croyez, il doit traîner, en effet, après lui, le souvenir des plus tristes aventures !

Robert. — Ne parlons pas de cela… Il a péché et il a expié. Il s’est repenti et j’ai pardonné… Il a rôdé par tout le globe… Il m’a conté ses souffrances en exil, ses tourments à bord, ses larmes au fond des solitudes. Il a grelotté toutes les fièvres et fait tous les métiers : trappeur au Canada, vendeur de fourrures aux États-Unis, chasseur d’ivoire en Afrique, mineur en Russie, chercheur d’or au Klondike ? Que sais-je ?… Ah ! s’il a commis des fautes, il les a payées cher… Aussi, est-ce pour cela que je lui ai ouvert mes bras et mon cœur en souvenir de notre bonne mère qui l’aimait tant, lui, le plus jeune de nous, et qui aurait eu tant de peine, Jean, tant de peine à le savoir malheureux ! J’ai hésité longtemps à te confier ce secret, mais puisque tu en es venu, toi si bon pour tous, à critiquer amèrement ce que j’ai fait, je t’en donne aujourd’hui les raisons. (Lui prenant les mains.) Et, j’en suis sûr, tu vas me dire que j’ai bien agi.

Jean, se dégageant doucement. — Non, Robert, non, je ne vous dirai pas cela.

Robert. — Et pourquoi donc ?

Jean. — Parce que vous auriez dû, peut-être, me consulter un peu et qu’alors, sans doute, le modeste penseur que je suis aurait trouvé des raisons — de bonnes raisons — pour vous empêcher de recueillir sous votre toit ce vagabond…

Robert. — C’est mon frère !…

Jean. — Ce déserteur…