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xiv
DES SAVANTS

que lorsqu’on est prévenu qu’il y a une influence de ce genre en train de s’exercer.

Mascart déclare n’avoir actuellement aucune opinion (à comparer avec la phrase de Langevin), etc., etc…

Lisez le tout ; il en vaut la peine.

Les seuls mots de bon sens que contient ce document sont de Gariel et Moissan : Les enquêtes sur les questions scientifiques ne servent à rien ; on ne résout pas les problèmes par un plébiscite.

À voir ceux dont on sollicitait l’opinion, ces axiomes n’étaient que trop justifiés. Mais par surcroît ils condamnent tous les conseils, commissions et comités derrière lesquels les ministres mettent à l’abri leur responsabilité : car c’est à la majorité des voix, et des voix le plus souvent incompétentes, que les plus graves questions sont résolues.


La troisième histoire défraya les séances de l’Académie des Sciences et la presse scientifique du monde entier pendant de longues années (1867-1869) ; elle se termina par la confusion du géomètre Chasles et la condamnation judiciaire d’un faussaire, Vrain-Lucas, qui avait dépouillé le géomètre de plus de 200 000 francs. Charles et l’Académie montrèrent en cette affaire une naïveté, une crédulité, un entêtement dont il est impossible d’avoir une idée complète sans lire les Comptes Rendus, et qui excusent son voleur. Vous connaissez cette caricature d’une femme montrant le poing à son mari et disant à bouche fermée : « Ce serait offenser Dieu que de ne pas tromper cet homme-là ! » Le faussaire devait en penser autant de ses victimes.

Vous connaissez aussi le proverbe : « Si tu me trompes, tu as tort ; si tu me trompes une seconde fois, nous avons tort ; mais si tu me trompes trois fois, j’ai tort. » Or ce n’est pas trois, c’est plusieurs centaines de fois que Chasles se laissa berner, alors que dès le début de la mystification, Faugère démontra clair comme le jour que les lettres attribuées à Pascal (les premières que Chasles publia) étaient 
l’œuvre d’un faussaire.

Voici l’histoire.

Le 15 juillet 1867, Chasles offre à l’Académie deux autographes de Pascal sur l’attraction universelle. Vous supposez qu’avant toute discussion l’Académie ordonnera une expertise en écriture : pas du tout, on commence par discutailler (Duhamel, Faye, Chevreul) sur les conséquences à tirer des documents mis au jour. Qu’à cela ne tienne : Chasles n’est pas chiche d’autographes ; sans plus tarder il jette sur le tapis 9 pages in-quarto petits caractères, de notes inédites. Tout de même quelques-uns commencent à douter : pour vaincre ces doutes, le 28 juillet 1867, Chasles apporte une correspondance sensationnelle