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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/53

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atterri, les deux jeunes gens purent, comme le Suisse l’avait dit à Roger, continuer leur route en marchant sur la grève, entre la berge et l’eau. Cette grève, de sable mêlé d’argile, séchée au soleil et dure comme de la brique, leur offrait une route unie comme une rue pavée ; route qu’ils suivirent sur une distance d’un peu plus d’un mille.

Ils durent à plusieurs reprises, cependant, s’enfoncer dans la forêt, afin de remonter le cours de quelque ruisseau se jetant dans la rivière, et dont l’embouchure était trop large pour qu’il leur fut possible de l’enjamber. Ils suivaient alors ce ruisseau, en le remontant, jusqu’à ce qu’il fut moins large, puis ils le franchissaient et revenaient à la rivière, dont ils suivaient de nouveau le cours jusqu’au prochain ruisseau.

Au bout d’une vingtaine de minutes de marche, ils arrivèrent à un endroit où la grève étant trop inclinée, et trop glissante, ils durent l’abandonner pour de bon et s’enfoncer dans le bois, tout en restant assez près de la rivière pour ne pas la perdre de vue.

Il eut vraiment fait bon de les voir, superbement beaux tous les deux, bien que de races si différentes, s’en allant ainsi à travers la forêt primitive ; franchissant les ruisseaux d’un bond ; escaladant, sans efforts apparents, des troncs d’arbres qui, bien que renversés sur le sol, étaient encore presqu’aussi hauts que leurs têtes ; s’élançant avec souplesse et se glissant à travers des fourrés qui, de prime abord, paraissaient impénétrables ; tels deux jeunes cerfs, frais échappés de leurs parents, s’enivrant d’espace et de liberté.

Pendant toute la durée du trajet, ils parlèrent peu. Quelquefois, aux endroits les plus difficiles, Roger