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Page:Boucher de Perthes - De la misère.djvu/13

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la paresse. Malheureusement il est des préventions qui encouragent l’une et l’autre, et qui, en dépit de sa nature, ont inculqué ces deux vices à l’Espagnol. Ami de la science et du mouvement, il était propre à tous les progrès ; mais une dévotion grossière, mal définie, mal entendue, plus idolâtre que chrétienne, plus matérielle que divine, une mauvaise application de l’utile préjugé nobiliaire, l’oisiveté mise en honneur par des ordres monastiques non studieux, non travailleurs, non religieux, la richesse des mines acquise et conservée sans labeur, sans spéculation, sans calcul, toutes ces causes, en changeant son caractère, ont chez lui implanté la misère et l’ont si fortement attachée à son sol, que trois ou quatre révolutions n’ont pu encore y faire germer un seul bon grain.

À ces plaies il faut ajouter l’interdiction de diverses professions utiles, le grand nombre de fêtes et de pratiques superflues qui entraînent une perte de temps ruineuse pour l’industrie et la morale. Cependant l’aurore d’un nouveau jour vient de luire. Ôtez à l’Espagne son fanatisme, ses oisifs privilégiés, le reste de ses colonies ; et le travail y fera fuir la pauvreté.

Les mêmes causes qui ont agi sur la Péninsule, ont, quoique moins fortement, influé sur l’Italie. Il y a beaucoup de solliciteurs en Italie, il y en a dans toutes les classes ; ils demandent depuis un liard jusqu’à une principauté. Cependant, là moins qu’ailleurs peut-être, on rencontre de pauvreté véritable ; l’habitant généralement sobre, vit de peu et s’amuse pour rien. S’il ne travaille pas, c’est qu’il n’a pas besoin de travailler, qu’il supporte mieux les privations que le labeur et que ne rien faire est pour lui de première nécessité.

Avec le far niente, il jeûnera sans se plaindre. Mendier en Italie est une position, presque un honneur, et tel mendie par orgueil et par choix ; il est gentilhomme, il dérogerait en travaillant. Est-ce là de la