Page:Boucher de Perthes - De la misère.djvu/4

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qui ils seraient invariablement satisfaits, ne pourrait l’être davantage : la pauvreté naît donc des besoins d’une part, et de l’autre de la nécessité de les prévenir ou de les contenter.

Mais pourquoi cette nécessité ? Pourquoi l’homme est-il sujet à la pauvreté et soumis aux besoins ? Le principe qui lui a donné l’existence ne devrait-il pas la lui conserver ? Pourquoi, sans ces soucis d’avenir, ne pourrait-il continuer à vivre ? Qu’il cesse un instant de songer au lendemain, qu’il oublie d’y pourvoir, qu’un jour seulement il ne le puisse pas, et il est mort. Il semble qu’il y ait en cela imperfection dans sa nature et contradiction dans l’œuvre du créateur. Ou il ne fallait pas laisser de besoins à l’être, ou il fallait, en les lui imposant, lui assurer les moyens d’y suffire. La vie sans la facilité de la conserver n’est qu’un leurre, et la faim qui engendre la misère, la faim qui tue est un mal sans contre-poids, un fléau comme la peste.

Réponds à ceci ; voyons si la misère ou la faim dont elle sort n’est pas une des conditions du développement de l’être, et s’il serait utile que chacun trouvât sa nourriture sans la chercher, ou qu’on pût se passer de nourriture.

Dans nos pays d’Europe, personne ne meurt de soif parce que tout le monde peut boire de l’eau et qu’il y en a partout. De même personne ne mourrait de faim si chacun avait sous ses pas une substance propre à la vie, qui fût du goût de tout le monde. Mais cette substance ne se rencontre nulle part. Si l’homme s’abreuve d’un des élémens de la nature morte, il ne peut se nourrir que de la nature animée, c’est-à-dire de ce qui vit ou a vécu. Il est donc dans l’obligation de se le procurer, et pour cela de l’acquérir ou de le faire naître. Il est tenu par conséquent à un travail, à une combinaison, à une peine. Or, ceci est il un bien ou un mal ? — C’est un bien, sans contredit. Si les besoins