Page:Boucher de Perthes - De la misère.djvu/74

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pas. En travaillant ou seulement en étudiant, il donne moins de temps au caprice, à la débauche ; il conserve ce qu’il a ; et la propriété même la plus petite, en élevant le cœur de celui qui se nomme propriétaire, l’empêche d’abord de mendier et ensuite t’oblige à s’intéresser à l’ordre public et à la prospérité de ce pays dont alors seulement il est citoyen.

Je ne limite pas d’ailleurs la propriété aux seuls immeubles : celui qui a un mobilier ou un atelier bien garni des outils de sa profession, est à mes yeux propriétaire, et il viendra un temps où beaucoup ne pourront l’être qu’ainsi ; mais ce temps est loin encore ; et certainement sans nous ruiner, nous, possesseurs du sol, et sans appauvrir davantage l’état, nous pourrons longtemps faire de ces concessions de terrain. On sent bien que ce n’est, ni une ferme, ni un contrat de rente que je propose de donner à chaque famille de pauvres ; ce n’est pas pour les faire vivre sans travail que je demande qu’ils possèdent, c’est pour leur attacher un titre, une qualité, une base de l’avoir, et pour cela une verge de terre suffit. Calculez donc si vous n’avez pas de ressources suffisantes pour créer des millions de ces propriétaires nominaux, qui ensuite par l’association ou l’union dans l’œuvre pourront devenir des propriétaires effectifs, c’est-à-dire des travailleurs aisés.

La matière manque-t-elle en France ? Il n’est pas un seul département où il n’y ait des landes, des marais, des coteaux abandonnés aux chardons, aux mauvaises herbes. Si nous donnions pour leur défrichement la moitié de ce que nous cédons à la fainéantise, à la paresse, nous améliorerons en même temps le terrain, le peuple et notre avoir.

Ne savons-nous pas que le champ cultivé par vingt hommes en nourrit cent. Quand nous le savons, quand nous voyons ce que la masse perd au manque de bras dans nos campagnes, pourquoi agissons-nous comme si