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cerait-elle pas ceux qui les louent, les bâtissent ou les réparent, à les purifier, à les aérer ? L’air est à tout le monde : c’est bien la moindre chose que le pauvre en jouisse.

La possession de l’eau doit être également commune. Pourquoi le premier soin des magistrats n’est il pas de la faire arriver partout, puisque la plus hideuse, la plus infecte de toutes les misères est celle d’en être privé. Si on n’en boit pas chez le pauvre, ou si on n’en boit que de mauvaise, c’est qu’il n’en a que de cette espèce. S’il n’en use jamais pour la propreté, c’est qu’il n’en a point en abondance, qu’il n’en trouve pas à sa portée ; c’est que celle qu’il est obligé d’aller chercher au loin lui coûte par le transport et la perte de temps.

L’insalubrité du logis et le manque d’air et d’eau peuvent donc justement être rangés parmi les causes de la misère du peuple. Elles peuvent contribuer aussi à son intempérance, son dérangement moral. S’il ne reste pas à la maison c’est que la tristesse et le méphitisme l’en chassent, c’est qu’il se trouve mieux dehors et au cabaret.

Nous avons déjà signalé la conduite et la sobriété comme l’une des causes premières de l’aisance. Les sociétés de tempérance instituées en Angleterre et en Amérique, contre l’usage des spiritueux, sont de fait dirigées contre la misère. Si les résultats n’ont point encore été complets, ils sont loin d’avoir été nuls, et ce serait un acheminement vers le bien, si l’on pouvait les populariser en France.

La liqueur a partout les mêmes effets : quand elle ne tue pas elle corrompt, elle démoralise. L’homme misérable est peu susceptible de grandes vertus ; mais quand ses passions engourdies s’éveillent, capable de grands vices il l’est aussi de grands crimes. Les trois quarts des forfaits qui se commettent dans les pays européens, nous l’avons vu, sont les fruits de la misère ou de l’i-