Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/254

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effet, on y vit mieux, mais on n’en eut pas plus chaud, car la nuit était assez fraîche.

Près de moi étaient encore des Anglais ; bref, toute la table en était garnie : or, rien de moins appétissant qu’une table entourée d’Anglais qui ne se connaissent pas ; jamais ils ne s’adressent la parole, et s’ils ont une famille ou un compagnon, ils ne s’entretiennent qu’à voix basse, semblant toujours craindre que quelqu’un n’intervienne dans leur conversation ; et ces mêmes voyageurs, s’ils se trouvent à une table composée de Français, se montreront gais et aimables. En général, l’Anglais en voyage a horreur de ses compatriotes : faites-lui l’éloge d’un hôtel en lui disant qu’il y a beaucoup d’Anglais, il ne manquera pas d’aller ailleurs. Mais il n’y gagnera rien s’il est à Genève, car il en trouvera partout. Ce n’est certainement pas le plaisir qui les y attire : après avoir admiré son site et rendu pleine justice à ses institutions, il est difficile de ne pas s’y ennuyer quand on n’y est pas venu pour affaires ou si l’on n’y est pas bien recommandé à ceux qui n’en ont pas : or, les gens inoccupés y sont assez difficiles à trouver, si toutefois on en trouve.

Je suis à ma fenêtre, admirant d’un œil ce beau lac et écrivant ceci de l’autre en songeant au plaisir que j’aurai à les quitter demain matin. Tout bien considéré, le Genève guerrier de 1816 était plus animé que le Genève pacifique de 1859.

Je viens d’entendre sonner six heures et je songe déjà à me coucher. Je ne vois pas moyen de passer la soirée autrement que dans mon lit ou le nez sur le papier, mais je viens de mettre mes notes au courant, et je n’ai à lire ni livres ni journaux.