Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/268

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venue ; j’entrevois partout des coteaux, des vignes, des habitations. Je suis heureux de mon pays, et je ne jalouse plus les Suisses pour leurs vins de Vaux, d’Ivorne, de Cortaillons, de Bouvillon, etc., que j’ai trouvés fort bons sans doute, mais l’hospitalité de cet excellent commandant Scholl y était bien pour quelque chose.

En résumé, la route m’a paru courte, et le babil de mes gentilles nonnettes ne m’ennuyait pas.

Arrivé à Dijon, tandis qu’on déchargeait mon bagage, je vis quelques personnes ramassées autour d’un monsieur qui sortait tout ébouriffé d’un closet, s’en prenant au ciel et à la terre. Voilà ce qui venait de lui arriver : pendant les quelques minutes d’arrêt du train qui le conduisait à Marseille, étant allé audit closet, il s’y était si bien enfermé qu’il ne pouvait plus l’ouvrir, et c’est de là qu’il entendait la cloche du départ, puis le sifflet dernier avertissement ; bref, le train filait à toute vapeur quand on entendit ses cris et qu’on vint le délivrer de sa prison.

C’était un Anglais. Passe s’il eût été seul, il en était quitte pour attendre un autre train ; mais il était marié, et tout nouvellement, nous dit un voyageur, et le wagon emportait sa femme jeune et jolie, à laquelle, suivant l’usage, il faisait voir le pays pour sa lune de miel. Véritablement le tour était piquant et la position désagréable. Aussi, notre pauvre marié était si abasourdi qu’il ne pouvait plus même jurer :

De maudissons son cœur était à sec,
Et les goddam expiraient sur son bec.

Ne sachant quel parti prendre, il allait comptant son