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guettaient, se mettaient en campagne. On comprend alors comment ce mouvement se communiquait à ces cadavres desséchés et souples encore, et que faisait bouger le moindre contact.

Le soir, peu de monde au salon, mais j’y trouve MM. de Pommereux et Ponsard. En telle compagnie, le temps ne peut sembler long.

En parlant de compagnie, j’en ai une toutes les nuits qui, d’abord, ne me déplut pas trop, mais dont j’eus bien vite assez : je suis entouré d’animaux chanteurs. Je les prenais pour des oisillons, mais les oiseaux ne chantent pas toute la nuit, ils dorment quelquefois et laissent dormir les autres, tandis que mes choristes ne se taisent pas. Voulant savoir quel animal faisait ce vacarme, je le demandai au domestique qui me dit que c’était un grillon. Je ne pouvais le croire, parce que les grillons restent ordinairement à la cuisine ou au rez-de-chaussée, et ne montent pas au second étage où j’étais logé et dans une chambre sans cheminée ; ensuite, parce que mon chanteur nocturne, en supposant qu’il était seul, avait une voix qui eût couvert celle d’une fauvette et annonçait un animal dix fois plus gros. Mais quand le valet de chambre me dit que depuis quatre jours il faisait la chasse à celui-ci, dont mes voisins se plaignaient également, sans pouvoir le saisir, et que ces insectes, domiciliés à peu près partout, étaient une des calamités d’Aix, il fallut bien le croire.

Je me mis alors à chercher celui-ci, non pour lui faire du mal, le grillon est un animal innocent, il porte bonheur, dit-on. Ajoutons qu’il est brave comme César, et qu’il est toujours sur la brèche quand il s’agit de dé-