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Nous touchons à la gare de Magenta où je compte m’arrêter ; je prends donc congé de mes compagnons.

À peine suis-je hors du wagon que des gamins, car c’est une race qui pousse partout et qui, partout aussi, est plus ou moins trafiquante, viennent me proposer des reliques du combat, des balles, des morceaux d’obus, des fragments de casques. Mais je veux les trouver moi-même, et je choisis, pour me guider, celui de ces enfants qui me paraît le plus intelligent.

Ce que je remarque tout d’abord, c’est la maison de la station portant de nombreuses traces de balles. Un peu au-delà est une autre habitation peinte en vert, criblée de boulets.

Magenta ou plutôt Maggenta est une ville de trois à quatre mille âmes, qui ne paraît pas avoir payé trop cher l’honneur d’avoir donné son nom à une victoire qui a décidé du sort de l’Italie, car si nous avions été vaincus à Magenta, il est à croire qu’on ne se serait pas battu à Solferino, et, dans ce cas, tout ce qui pouvait arriver de plus heureux au Piémont était de rester tel, car il courait grand risque de devenir province autrichienne.

Quant à la Lombardie, elle retombait sous sa calotte de plomb, avec un chaînon de plus à sa chaîne, sans compter la corde qui allait recommencer à fonctionner comme l’hygiène ordinaire de toutes les velléités de liberté dont, en différents temps, ont été affligés les sujets de la maison de Hapsbourg.

Un ancien soldat devenu bourgeois de la ville, me reconnaissant pour Français, vient bénévolement se joindre à nous pour me faire les honneurs du pays.