Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/88

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mal, me répond-il. — On perd donc parfois son bagage ? — Cela arrive tous les jours. »

La consolation était médiocre. J’attends en bas l’omnibus qui était allé conduire un voyageur. — Il rentre. — Il n’avait rien.

Voilà ma valise perdue, et moi sans linge, sans habits, car mon sac de nuit ne portait que mes livres et mes pantoufles. Ce que je regrette plus encore que mes nippes, ce sont mes notes. Enfin cette valise contenait aussi un billet de banque de mille francs, et quelques centaines de francs en espèces. L’aventure était désagréable, car il ne me restait d’argent qu’à peu près ce qu’il me fallait pour retourner à Paris. — Que faire ? emprunter ? — Je n’aime pas à devoir. Je remonte assez triste dans mon appartement, et la première chose que j’y aperçois, c’est cette valise tant cherchée depuis une heure. Comment était-elle venue là ? Probablement qu’un domestique l’avait déposée dans quelqu’autre chambre, puis s’étant aperçu de sa méprise, il l’avait reportée dans la mienne, tandis que le concierge et moi la cherchions en bas. C’étaient, y compris mes hardes, deux mille francs au moins que je croyais bien perdus, et que je venais de gagner.

Cependant l’heure du dîner et même du souper était passée ; je mourais de faim. Le cuisinier n’était plus à son poste, les fourneaux étaient éteints. Aussi, quand je demandai qu’on me servît, ma proposition fut-elle plus que froidement accueillie. Le domestique de salle, qui s’apprêtait à aller se coucher, me considérait d’un air de détresse et de surprise qui voulait dire : manger à cette heure ! mais où le trouver ce manger ? — Enfin