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mandai ce qu’elle allait faire si cette place qu’on lui faisait espérer ne venait pas. Probablement qu’elle n’y avait pas songé, car ma question parut l’attérer, et elle porta son mouchoir à ses yeux. J’en fus touché ; j’essayai de la consoler. Le gros homme, qui s’était réveillé et avait entendu la conversation, se joignit à moi et lui dit que dans le cas où cette place lui manquerait, elle n’avait rien de mieux à faire que de reprendre le train et de retourner à son couvent. Ce fut aussi mon avis. Elle secoua la tête comme pour dire qu’on ne l’y recevrait pas ; toutefois elle convint qu’elle n’avait pas d’autre parti à prendre. Alors le gros homme lui demanda si elle avait de l’argent pour effectuer ce retour. Elle lui répondit par un signe affirmatif. — Tant mieux, lui dit-il. — Il était à sa destination, et il nous quitta. Cet homme, qui semblait être un fermier, avait une bonne figure, et en lui faisant cette question, il avait, je n’en doute pas, envie de lui venir en aide.

Arrivé à la gare, je vis ma jeune institutrice regarder autour d’elle avec inquiétude comme si elle n’y trouvait pas ce qu’elle espérait rencontrer. Je lui demandai si elle attendait quelqu’un. Elle me dit non. Alors je l’aidai à retrouver son petit bagage et j’offris de la conduire chez la personne pour qui elle avait une lettre. À ceci elle ne me répondit pas. Je pris son silence pour un assentiment, bien qu’elle continuât à jeter les yeux à droite et à gauche. Je la quittai en lui disant que j’allais chercher une voiture, mais quand je revins, je ne la trouvai plus. Je pensai qu’elle allait revenir et j’attendis, mais personne ne reparut. Je sortis alors de la gare pour joindre le fiacre que j’avais retenu, et au moment