Page:Boucherville - La tour de Trafalgar, L'Opinion publique, 30 juin 1870.djvu/8

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se reflétait pâle sur l’autel. Le silence de mort religieusement solennel qui régnait alors, l’ombre des piliers qui se dessinait sur le fond grisâtre des murs, et qui s’évanouissait comme des fantômes dans les voûtes ; tout, jusqu’à l’écho même de ses pas, avait pour lui un charme, un attrait indéfinissable. C’est là, au milieu des objets qui partout vous présente l’image d’un Dieu, où votre âme enveloppée d’une essence divine s’élève à la hauteur de son être, et contemple dans son vraie jour les œuvres du créateur ; c’est là que lui, il aimait à rêver à l’amour et à ses brillantes illusions. Longtemps il était resté plongé dans une méditation profonde, quand il en fut tiré par l’apparition de quelque chose qui se mouvait dans le haut de l’église ; et un instant après, il aperçut comme un objet blanc qui s’enfonça et disparut derrière l’autel.

C’était Léocadie. Elle était revêtue d’une longue robe de lin, un ruban de couleur de rose dessinait sa taille svelte et légère. Oh ! qu’elle était belle en cet état ! On l’eut prise pour un de ces êtres célestes, une de ces créatures immortelles telle que l’eût forgée l’imagination des poètes. Sa tête aux longs cheveux d’ébène pieusement inclinée vers le tabernacle, annonçait que sa prière était finie. Elle se leva majestueuse, et d’un pas léger traversa la nef et sortit. Le lendemain, il la revit simple et modeste au milieu de ses compagnes ; et il conçut pour elle un amour fort et violent comme la passion qui l’avait fait naître.

Dix-sept ans, une figure douce et spirituelle, des manières agréables, une assez jolie fortune, avait fait de Léocadie la personne la plus intéressante et le meilleur parti de la Côte des Neiges, où elle demeurait avec sa vieille tante. Oh ! Léocadie, pourquoi l’as-tu connu ce jeune homme ?… Tous les jours il se rendait chez la tante de Léocadie, et de plus en plus il attisait dans son sein ce feu dévorant, qui, comme un volcan embrasé, devait un jour éclater terrible pour eux deux.

Il y avait déjà près de trois mois que l’étranger fréquentait Léocadie, il lui avait fait un aveu de sa flamme, de la passion qu’il ressentait pour elle. Et Léocadie était trop bonne et trop sensible ; elle savait qu’elle lui ferait de la peine en lui disant de ne plus revenir ; et n’osait lui dire « qu’elle ne pour-