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DEUX DE TROUVÉES

n’y a encore que quelques minutes, que, sans vous à bord, elle mourrait de frayeur, surtout si nous avions le malheur de faire la rencontre de quelques navires suspects. Croyez-vous qu’il y ait quelque danger ?

— Mais cela dépend, mademoiselle, répliqua le comte en se dressant au moins un demi pouce sur ses talons de savates (ses savates aussi avaient des talons,) se croisant les bras, à la Marius, après avoir placé son bonnet de coton à la militaire sur le coin de sa tête, et se donnant l’air le plus capable ; mais cela dépend.

Sara était devenue rouge comme une cerise et était toute honteuse. Elle jeta un coup d’œil suppliant à Clarisse ; mais celle-ci, la gaie et la gâtée enfant qu’elle était, n’y fit pas attention et continua :

— Vous protégerez ma chère Sara, n’est-ce pas, monseigneur, elle a tant confiance en vous ! quant à moi, je suis brave, je suis la fille d’un officier ; j’ai mon père et peut-être aussi que M. le capitaine ne m’abandonnerait pas dans un danger ; mais comme Sara est peureuse, j’aime mieux qu’elle soit sous votre protection.

— C’est juste, la moins brave doit avoir le meilleur protecteur ; et quoique je n’aie pas la présomption de me croire plus puissant que votre père et le capitaine réunis, j’ose au moins espérer que, dans la circonstance, Mlle Sara n’aura pas occasion de se repentir de l’honneur qu’elle me fait de me choisir pour son défenseur. Qu’en pensez-vous, capitaine ?

Et le comte sembla se grandir encore d’un demi-pouce, tant il étirait les muscles de son col par en haut.