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UNE DE PERDUE

surpris à leur tour. Les choses sont arrangées pour leur faciliter l’abordage par l’avant ; nous leur avons allumé un fanal et tendu des amarres ; c’est par là qu’ils monteront et nous saurons où les prendre. Silence, mes enfants, et attention. Quand je vous donnerai le signal, vous vous jetterez tous à plat-ventre et nous essayerons sur eux l’effet de ces deux canons à mitraille, que nous avons braqués à l’arrière.

En ce moment une figure montait de la cabine. Cette figure c’était celle du comte d’Alcantara, qui, ayant entendu tous ces préparatifs et voyant quatre hommes armés dans la cabine, ne put résister à son envie d’aller sur le pont voir ce qui s’y passait. Par précaution il s’était armé de deux pistolets à six coups chaque, espèce de revolvers nouvellement en usage, qu’il mit dans les poches de son paletot. En arrivant sur le pont, son premier soin fut de regarder tout autour de lui, puis ne voyant rien, n’entendant rien, il s’assura que la brise dormait et qu’il n’y avait pas de vaisseau à craindre, alors il se hasarda à faire un pas en avant. Ayant appris que le capitaine était en ce moment près du mât d’artimon, il passa à l’avant. À mesure qu’il avançait sa résolution et son assurance faiblissaient en voyant tous ces hommes silencieux, qui se baissaient pour ne pas se montrer au-dessus des bastingages.

— Mais, est-ce que je rêve, se dit-il en se frottant les yeux et les écarquillant ? Sont-ce des hommes ou des spectres ? Et il allongea la main pour juger par lui-même si c’était une réalité ou une illusion. Il eut peur, et il retourna à la cabine. La porte était fermée.