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UNE DE PERDUE

procher de la jeune fille. Il se coulait dans l’herbe avec tant d’adresse, qu’on aurait en de la peine à remarquer son ondulation ; ses mouvements étaient si souples et élastiques qu’il s’approcha jusques tout auprès de la jeune fille, sans qu’elle l’eut entendu, tant était grande aussi l’intensité de sa douleur et la prostration de ses esprits.

Trim la contempla un instant ; puis, lui touchant légèrement le bras, il lui dit en même temps :

— Ne fésé pas bruit ; moué nègre Trim, mamselle Sara !

Elle ne put réprimer une légère exclamation de surprise môlêe de frayeur.

Trim lui expliqua en peu de mots la position des choses, et lui demanda si elle se sentait la force de courir jusqu’à la pirogue. Elle lui répondit qu’elle se sentait si faible, qu’elle craignait de ne pouvoir le faire.

— Alors moué porté li, dit-il.

Et la soulevant dans ses bras nerveux, il partit comme un trait dans la direction de la pirogue, au fond de laquelle il déposa la jeune fille, lui recommandant de se coucher ; sans s’occuper du bruit et ne cherchant qu’à se mettre au plus vite, hors de la portée des fusils, Tom et Trim poussèrent au large.

Cabrera qui se levait au moment où Trim arrivait au canot, fut le premier à les apercevoir ; ceux qui étaient autour du feu, avaient bien entendu les pas du nègre à la course, mais ils n’avaient pu le distinguer dans l’obscurité, qui régnait en dehors du cercle de lumière que projetait leur brasier.

L’impulsion que Tom et Trim avaient donnée à la pirogue, jointe à la vigueur qu’ils déployèrent, les