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ment fixée. Il nous reste, tout en veillant à sa conservation, à chercher ailleurs un champ pour l’expansion de notre génie national. Aujourd’hui c’est dans l’arène purement économique que doit se décider la lutte de supériorité qui se poursuit entre les différents éléments de notre population, puis entre les peuples du continent.

Sommes-nous convenablement armés pour cette lutte qui commence et qui deviendra bientôt acharnée ? Les étrangers nous disent que nous ne le sommes pas ; ils nous reprochent notre infériorité productive et industrielle. Il nous semble que ceux qui nous font ces reproches n’ont pas tout à fait tort. Il nous faudra changer de manière ou soutenir une défaite, rétrograder. Déjà, chez notre jeunesse, nous remarquons certains signes de faiblesse et la jeunesse c’est l’avenir.

Troisièmement. Pour parer à ce danger, regardons d’abord, autour de nous, étudions le terrain. Nous verrons d’autres nations surgir tout à coup d’une position économique inférieure, et arriver d’un bond à la supériorité. Suivons donc leur exemple. Concentrons nos ressources de façon à pouvoir résister victorieusement à l’invasion industrielle en implantant chez nous une force industrielle rivale et mieux conçue. Nos pères eurent l’audace d’une idée nouvelle : osons à leur exemple. Que le capital national prenne dès maintenant la place que voudrait occuper le capital étranger. Ce capital se multipliera alors au centuple.

À la devise de Duvernay « Emparons-nous du sol » ajoutons cette autre devise qui en est le corollaire « Emparons-nous de l’industrie ! » À quoi bon, en effet, étendre au loin nos défrichements si nous ne permettons aux étrangers de venir sur nos brisées recueillir le prix de nos efforts. Soyons colons pour conquérir, pionniers industriels pour conserver notre conquête.

À ces idées générales vient s’en ajouter une autre qui s’applique plus spécialement à l’ouvrier industriel. Le défricheur, le colon, l’agriculteur ont certes une rude tâche à accomplir. Mais par la nature même de leur travail, ils conservent leur identité et leur indépendance. Ils ne risquent de les perdre que plus tard dans le cas où ils finiraient par souffrir avec tout le corps social d’un mauvais système économique. Il n’en est pas de même de l’ouvrier des fabriques, sous le système qui prévaut dans la plupart des pays. Plus il peine, plus il devient dépendant. Il subit une espèce d’esclavage dont les classes ouvrières ont conscience et dont ils cherchent vainement à s’affranchir. Lorsque l’ère industrielle s’ouvrira véritablement pour nous, ne serait-il pas possible de faire en sorte que nos compatriotes en profitent sans subir en même temps cette triste condition.

Nous ne pouvons nous empêcher de croire que ce problème n’est pas insoluble. Nous croyons que nous nous trouvons préci-