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ROBERT LOZÉ

estuaire une réputation fâcheuse et qu’il ne mérite pas. On pourrait même dire que c’est l’excès de la sécurité qui est la cause de ces imprudences, nouvelle preuve que l’abus peut convertir en maux les plus grands bienfaits.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Depuis deux heures, le yacht était immobile, les voiles amenées. On entendait vers le sud-est le bruit sourd et lointain d’un canon d’alarme tirant à des intervalles réguliers. Tout à coup, près de la proue, surgit dans le brouillard une ombre vague et menaçante. En même temps, un léger choc se produisit près de la ligne de flottaison du yacht.

Jean se précipita et aperçut une chaloupe montée par deux hommes. Elle avait donné contre les bordages, mais le choc avait été faible.

Au même instant, un des Tremblay avait saisi le portevoix.

— Ohé ! de la « Marie, » cria-t-il.

Une rumeur confuse s’était élevée sur la chose qui approchait, mais on ne répondit pas à l’appel du marin.

— Ohé ! de la « Marie, » répéta Tremblay. Dufresne, prends du large. Tu vas nous frapper.

Cette fois, une voix profonde répondit : « Qui est là ? »

— L’« Alice, » le yacht de M. Lozé. Prends du large, te dis-je.

— Ah ! C’est bien. On y veille, répondit la même voix ; mais d’un ton rassuré.

— Quel est ce vaisseau, demanda Jean ?

— C’est la goélette la « Marie. »

— La « Marie » ?

— Oui. Le contrebandier.

C’était en effet le contrebandier qui s’échappait lentement à la faveur de la brume. Deux hommes dans une chaloupe