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Page:Bouchette - Robert Lozé, 1903.djvu/141

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ROBERT LOZÉ

ordinaires, du pôle magnétique vers lequel il doit tourner suivant une loi naturelle immuable, dont les causes sont encore mal connues, mais parce que, nous disent les savants et les observateurs de la mer, ce pôle magnétique même se déplace lentement et que les orientations des cartes marines trop anciennes ne sont plus rigoureusement exactes. Il avait rasé le grand Pilier sans le toucher et sans l’apercevoir, et avait donné contre le petit Pilier, démolissant en partie son phare et renversant ses lampes par le choc. Le pauvre Célestin qui dormait paisiblement sur son balcon avait été broyé et tué par cet abordage. Comme on peut le croire, le vaisseau ainsi arrêté, éprouva, quoique son allure ne fût pas très rapide, une secousse épouvantable. Son avant fut brisé. Il fit machine en arrière, mais pour tomber de mal en pis, car il se jeta par la poupe sur le grand Pilier ou plutôt sur des récifs à fleur d’eau qui l’entourent de ce côté.

Le malheureux vaisseau resta fixé à ces récifs. Sa situation devenait d’instant en instant plus menaçante, car il faisait eau rapidement par l’avant qui s’enfonçait. L’inclinaison s’accentuait et on pouvait prévoir qu’avant longtemps la proue appesantie soulèverait la poupe et que toute la masse glisserait des rochers pour sombrer dans l’eau profonde. Sauver les passagers et l’équipage était un problème assez difficile. En arrière du navire, le grand Pilier se dressait comme un mur. Restait la ressource des chaloupes, mais de quel côté les diriger dans cette brume épaisse ?

Soudain, un cri retentit. On hélait le navire du haut du rocher.

Babin veillait cette nuit-là. C’était son habitude par les temps menaçants. Grâce à sa connaissance des lieux, il put, malgré les ténèbres, comprendre à peu près ce qui s’était passé, et sans perdre un instant il se mit en mesure de secourir les naufragés. Il fit allumer par sa femme, tous les fanaux que possédait le phare et enjoignit à son