Il se présenta ensuite chez le médecin. Celui-ci lui dit son préambule.
— Il paraît que vous voulez épouser ma fille ?
— Oui, monsieur, répondit Lozé surpris de cette abrupte entrée en matière.
— Je connais votre famille. De ce côté-là rien à dire. Mais vous, Robert, je ne vous connais pas. Et tout d’abord, comment prétendez-vous faire vivre votre femme ?
— J’ai ma profession, une clientèle qui augmentera, j’espère.
— C’est-à-dire que vous tirez le diable par la queue. Je m’en doutais. Maintenant, moi aussi, j’ai quelque chose à vous dire. On croit généralement que j’ai des économies. C’est une erreur. Je n’ai, moi aussi, que ma clientèle. Cela, c’est entre nous. Vous ne parlerez pas au dehors de ce que nous pouvons dire ici.
— Si mademoiselle Irène est sans fortune, sous ce rapport au moins nous sommes égaux. De toutes les autres façons, je sais qu’elle vaut beaucoup mieux que moi.
— Bien ! nous verrons. J’ai à m’absenter à cause de l’élection qui approche. Je vous parlerai à mon retour. En attendant, je vous crois homme d’honneur et je compte que vous vous montrerez tel en tout ce qui regarde ma fille.
Il tendit la main au jeune homme en signe de congé.
Robert s’éloigna étonné de la nature de l’entrevue. Certainement, le docteur de Gorgendière n’était pas le vieillard débile et usé qu’il s’était figuré. Il rentra chez sa mère pensif et inquiet. Mille complications imprévues, de fâcheux retards pouvaient résulter de cette attitude du médecin. Devait-il retourner à Montréal ou attendre ici ? Il était absent depuis un mois et Bittner devenait impatient. D’un autre côté, partir c’était peut-être manquer l’occasion. Il tenait plus que jamais à Irène. Que faire ?…
Le médecin eut ce jour-là une conversation assez longue avec madame Lozé. Puis il partit pour Montréal.