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ROBERT LOZÉ

Toute la famille rentra dans la maison. Ce fut une fête d’autant plus appréciée que l’instant d’auparavant tout avait été tristesse. On fit cercle autour d’Alice et de Jean. Celui-ci dut raconter sa vie, ses luttes, ses succès. On ne fut pas peu surpris d’apprendre que Jean possédait au Canada et même dans un endroit assez rapproché, un établissement industriel qui allait prendre des proportions considérables. Jean termina le récit sommaire de ses aventures en invitant toute la famille à visiter le nouvel établissement.

— Il ne faut pas oublier ceux-là, dit-il, attrapant au passage un des enfants. Voilà autant de petits industriels en herbe.

— Quant à moi, répondit Pierre, j’aimerais mieux les voir cultiver la terre.

— C’est là en effet la plus belle des industries. Mais il faut l’exercer autrement que nos pères, vieux soldats-chasseurs, pour qui la faux n’était que l’accessoire du fusil.

Quand vous viendrez chez moi, je vous expliquerai comment toutes les industries se tiennent et se complètent au point que l’une ne peut marcher sans l’autre, que la négligence de l’une fait dépérir toutes les autres, de même que la maladie d’un membre rend tout le corps malade. Quand l’industrie manufacturière et le commerce se généraliseront, l’agriculture progressera dans les mêmes proportions, elle deviendra une grande industrie ici comme elle l’est déjà dans les plaines de l’ouest ; plus importante même avec le temps, car elle sera plus variée et elle se poursuivra dans des endroits plus rapprochés des grands marchés du monde. Nous ne verrons peut-être pas le développement entier de ce système, mais nos enfants le verront ; ils en profiteront, s’ils acquièrent l’instruction et s’ils se tiennent à la hauteur du progrès. Mais s’ils ne s’instruisent pas, s’ils s’obstinent dans les anciennes méthodes, ils tomberont dans la pénurie et dans le besoin, la terre qui fait maintenant notre orgueil,