CHAPITRE XV
L’Accident.
Robert partait vers l’inconnu.
Pour la première fois de sa vie, il allait donner de tout son être et faire connaître la mesure de sa capacité. C’est assez dire qu’il s’ignorait lui-même et qu’il était incertain du résultat. Il en est ainsi d’un arbre nouvellement transplanté dont les feuilles se dessèchent et dont les rameaux se courbent vers la terre. S’il survit, il en deviendra plus beau. Mais vivra-t-il ?
Robert comptait bien vivre.
On attribue à Mahomet cette pensée que trois pierres de touche font juger l’homme, la richesse, l’autorité et l’adversité. C’était cette dernière épreuve que le jeune homme allait subir. Pendant que le convoi l’entraînait rapidement, il s’armait de courage, il se recueillait, avec déjà quelque chose de cette clairvoyance qui fait la force de ceux qui ont souffert.
Deux fois il avait voulu éviter ce combat corps à corps avec le destin que tout homme doit un jour ou l’autre soutenir, et deux fois le destin l’avait repoussé dans l’arène. Doucement, la première fois, et par la main d’une femme. À la seconde tentative, une force mystérieuse l’avait cloué sur place, il était tombé comme saint Paul, foudroyé par la Providence.
Pourquoi avait-il agi ainsi ? Pourquoi n’avait-il pas fait comme son frère ? Jean ne refusait pas de combattre et son