Aller au contenu

Page:Bouchette - Robert Lozé, 1903.djvu/89

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
96
ROBERT LOZÉ

dans les tortures de l’épouvante et du désespoir ne rappelaient en rien les hommes d’une demi-heure à peine. Son front soucieux s’était tantôt déridé, au contact de leur heureuse bonhomie. Puis, l’ange de la mort avait passé. « Dies nostri sicut umbra, » disait le vieux cadran solaire dans la cour de mon collège.

Les blessés occupaient les maisons voisines, et grâce au zèle des médecins accourus en grand nombre, personne ne manquait de soins. Après quelques recherches, Robert trouva l’endroit où gisait M. Coutu. On venait de lui clisser un bras et une jambe fracturés. Il sortait de l’assoupissement causé par le chloroforme et commençait à ressentir des douleurs intenses. Malgré ses souffrances, son visage s’éclaira à la vue du jeune homme et il lui demanda de s’asseoir près de lui.

Robert interrogea du regard le médecin.

M. Coutu en sera probablement quitte pour quelques semaines d’immobilité, fit celui-ci.

— Quand pourra-t-on me transporter chez moi, docteur ?

— Dans quelques jours, j’espère…, avec des précautions.

— Je vous en prie, M. Lozé, télégraphiez à ma femme. Rassurez-la et demandez-lui de venir me rejoindre. Priez les gens de la maison de me laisser séjourner ici quelque temps. Le moindre mouvement serait une torture aujourd’hui. Quel malheur, mon Dieu ! Pauvres gens ! Pauvres gens !

Robert fit ce que lui demandait M. Coutu. Il rassura en même temps sa mère et Irène, puis il alla rejoindre ses compagnons d’infortune du char-salon. La dame était réveillée et à peu près remise de son épouvante. Elle s’appelait madame Gardner. Elle se rendait avec son mari chez son père, M. de la Chenaye, qui demeurait à Québec. Celui-ci ne s’attendait pas à leur arrivée, autrement il serait déjà accouru.