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ROBERT LOZÉ

statue grecque. En regardant cette jeune femme, qui bientôt serait mère, immobile à côté de cette civière où gisait le père de son enfant, on comprenait ce qu’il lui avait fallu de courage pour passer sans faiblir par une aussi terrible épreuve. Elle faisait sans doute, en ce moment, un effort pour oublier l’horreur de la catastrophe. Ses yeux semblaient fuir le blessé ; ils se détournaient également de la foule des passants et de la perspective agitée du port, pour se reposer sur les lignes altières de la citadelle se détachant nettement sur le ciel gris.

Enfin la traversée eut lieu. Au moment où le bateau accostait, Robert redoubla d’attention.

— Soulevez la civière, mes amis, et tenez-la bien afin que le blessé ne ressente pas le choc du bateau touchant le quai.

M. de la Chenaye attendait sa fille et son gendre. Il partit avec eux, après avoir dit à Robert :

— J’espère, monsieur, que nous aurons l’avantage de vous revoir dans des circonstances plus heureuses et de vous renouveler nos remerciements

Quant au jeune avocat, exténué de fatigue et d’émotion, il entra dans la première hôtellerie qu’il trouva sur son chemin, s’endormit tout habillé et ne se réveilla que le lendemain matin.

Après s’être enquis une dernière fois de la santé de M. Coutu et de M. et Mme Gardner, et avoir obtenu des réponses rassurantes, il continua son voyage.