Page:Bouchor - Israël en Égypte, 1888.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fait la grâce de délier ma langue et que je peux, sans balbutier trop, dire aux autres ce que j’ai profondément ressenti et verser en eux le trop-plein de mon âme.

En ce béni mois de juin 1887, nous avons goûté la fraîcheur d’une de nos oasis de musique, si désirables dans le désert où nous tirons piteusement la langue. Car notre Paris ignore Hændel, malgré les belles exécutions du Messie et de Judas Macchabée, données par M. Lamoureux, il y a une douzaine d’années, et auxquelles, hélas ! je n’assistais point, la lumière n’ayant pas été faite alors dans ma misérable cervelle. Pourtant j’abominais l’Opéra ; ses pompes m’étaient en horreur, et cette instinctive répulsion trahissait une âme prédestinée. Je devais un jour m’épanouir à la musique, me passionner pour les fugues. Loué soit Dieu !

Le Rhin, cette fois, était jaune. Je l’avais vu d’un vert splendide sous le ciel de l’été, puis sombre et charriant des glaçons par un temps de neige bien approprié à ma joie du moment, puisque j’entendais au mois de décembre dernier l’oratorio de Noël, œuvre lumineuse et tendre, tour à tour exquise par l’intimité ou exu-