Page:Bouchor - Israël en Égypte, 1888.djvu/26

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rythmes ou effets d’orchestre. C’est avec la même puissance et la même mesure, me semble-t-il, que Wagner a su donner la sensation de l’eau, du feu, de l’orage, de toutes les choses physiques. On ne peut mettre en doute la réalité des analogies dont je parle lorsqu’on entend l’extraordinaire chœur des Ténèbres d’Israël en Égypte. Elles y sont palpables ; et pourtant aucun moyen bassement imitatif ne pouvait donner une telle impression.

Ce sont d’énormes batraciens, des grenouilles aux mugissements de bœuf qui envahissent le palais des pharaons. Rien de beau comme la gravité du chant où est narré ce désastre, qui ferait sourire les êtres chez qui l’absence de toute noblesse vraie a développé outre mesure le sentiment du ridicule. Avec un élan magnifique la voix s’écrie : « Il livra leurs troupeaux à la peste : pustules et tumeurs couvrirent l’homme et la bête. » Cela est repris dans le grave sur un rythme inexorable, tandis qu’au-dessus de ce chant lugubre et résolu bondit à l’orchestre la multitude des grenouilles. Dans les mâles vocalises de l’alto, dans l’enthousiasme qui, par moments, soulève la voix, dans la cadence finale