Page:Bouchor - Les Symboles, nouvelle série.djvu/182

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Je ne regrette pas la divine jeunesse,
Malgré ses grands espoirs et ses désirs sans frein,
S’il peut m’être accordé qu’enfin je me connaisse,
Si j’ai le cœur en paix, l’esprit libre et serein.

Je ne cherche plus Dieu dans la nuit où nous sommes.
Pourtant, j’ai conservé le plus pur de ma foi :
J’espère en l’avenir, et c’est l’amour des hommes
Qui me prendra ma vie et le meilleur de moi.

Oui, mon cœur eût battu, jadis, pour une étoile ;
Je préférais la lande aux plus riches moissons ;
J’aimais la mer sauvage, âpre, sans une voile ;
Je célébrais la Terre en de vagues chansons.

L’amour, plus d’une fois, m’a consumé de fièvres ;
Et, cherchant mon bonheur, hors de moi n’aimant rien,
Poète sans fierté, j’ai profané mes lèvres
Qui n’auraient jamais dû s’ouvrir que pour le bien.

Mais soit. Si maintenant la nature m’enivre,
Je glorifie aussi le travail. Chaque jour,
L’homme doit féconder le sol qui le fait vivre ;
Et c’est pourquoi la Terre a mon profond amour.