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Page:Bouchor - Les Symboles, première série.djvu/272

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Sur Yggdrasil un aigle, un lugubre prophète
Plane, et j’ai vu cent fois, du pied de l’arbre au faîte,
Monter et redescendre, aussi vif que l’éclair,
Un écureuil chargé par le vieux roi de l’air
D’exciter une race impure et souterraine
A ronger nuit et jour les racines du Frêne.
Mais la sève, malgré les reptiles hideux,
L’empourpre ; son tranquille orgueil se raille d’eux ;
Et ses rameaux puissants, qui rompent les tempêtes,
Bercent la multitude innombrable des bêtes.
Les Nornes, bien que leur sourire soit amer,
Puisent à la fontaine où s’abreuve Mimer
Une eau qui me fit sage, et, de cette eau féconde,
Baignent pieusement l’immense arbre du monde.
Il remplit l’univers : comment donc mourrait-il,
Le vieux Frêne, l’aïeul vénérable, Yggdrasil ?
Et, tant qu’il survivra, quel péril nous menace ?
N’importe. L’ennemi dont la haine tenace
M’a frappé dans mon cœur de père est toujours là :
Enchaîné, mais terrible. Apparais donc, Vala,
Sombre vierge, gardienne affreuse des demeures
Où Balder, mon enfant, compte les tristes heures !…
Ah ! la voici couchée en travers du chemin.
Un dogue monstrueux, rouge de sang humain,
Hurle après moi. J’enfonce en un fleuve de boue…
Allons, réveille-toi ! faut-il qu’on te secoue,