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Page:Boudier - A Monseigneur le Garde des sceaux, 1726.djvu/6

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le commerce, comme les autres productions de l’induſtrie, & par une conſequence néceſſaire les Loix du Royaume, auſquelles le Commerce & l’induſtrie ont donné lieu pour aſſurer l’état des conventions des Citoyens, doivent être ſingulierement appliquées à celles qui ſe font entre les Auteurs & les Libraires.

Or il n’eſt pas douteux, aux termes des Loix, que le proprietaire d’une choſe, en la faiſant paſſer à un autre par le canal de la vente ou de l’échange, tranſmet au nouveau poſſeſſeur les mêmes droits qu’il avoit ſur la choſe dont il ſe dépouille. On a fait voir que l’Auteur d’un Ouvrage en étoit tellement le maître, qu’il ne pouvoit en être dépouillé ſans injuſtice ; que ce même Ouvrage, fruit de ſon intelligence, tomboit naturellement dans le Commerce comme les autres productions de l’induſtrie ; enfin que ceux à qui il jugeoit à propos de le faire paſſer, acqueroient dans l’inſtant tous ſes droits ſur la choſe qu’il leur tranſmettoit ; donc un Libraire qui a acquis un Manuſcrit, dans lequel il ne s’eſt rien trouvé de contraire à la Religion, aux Loix de l’État, ou à l’intérêt des Particuliers ; qui enfin a obtenu un Privilege pour l’imprimer, doit demeurer perpetuellement proprietaire du Texte de cet Ouvrage, lui & ſes deſcendans, comme d’une terre ou d’une maiſon qu’il auroit acquiſe, parce que l’acquiſition d’un heritage ne differe en rien par la nature de l’acquiſition de celle d’un Manuſcrit, mais ſeulemnet par les ſuites de l’acquiſition du Manuſcrit, dont les riſques ſont conſiderables, au lieu que dans celle d’une terre, après que l’acquereur a pris les précautions convenables pour ſe mettre à couvert des hypotheques ou de l’éviction, il ne court plus aucun riſque : mais quant à la nature de l’acquiſition de ces deux choſes, elle eſt préciſément la même, & par conſequent elles doivent avoir un ſort au moins égal.

En effet ſi on examine avec un peu d’attention ce qui ſe paſſe dans l’acquiſition d’une terre ou d’une maiſon, on n’y trouvera pas la moindre circonſtance qui puiſſe rendre l’acquiſition d’un bien fond plus durable que celle d’un Manuſcrit. Car que ſe paſſe-t-il dans la vente d’une terre ou d’une maiſon, d’un côté le payement que fait l’acquereur du prix de la choſe qu’il achete, de l’autre la tranſmiſſion que fait le vendeur de la proprieté de cette même choſe au moyen du prix qu’il en reçoit ? Se paſſe-t-il rien de different dans la vente d’un Manuſcrit ? On ne craint pas que perſonne oſe l’avancer.

Ces deux differentes eſpeces d’acquiſitions étant par rapport à la nature de la convention exactement les mêmes, elles doivent, comme on l’a déjà obſervé, avoir un ſort égal, puiſque le commerce littéraire eſt non ſeulement legitime en ſoy, mais même autoriſé ; pourquoi donc celui qui l’a embraſſé ne pourra-t-il pas employer auſſi ſûrement 10000 l. qui ſe trouvent dans ſon coffre à l’acquiſition d’un bon Manuſcrit pour en faire part au Public, qu’à l’acquiſition d’une maiſon ? Et par quelle raiſon ne jouira-t-il pas auſſi librement de la propriété de l’un comme de l’autre, puiſqu’il ſe trouve une ſi exacte conformité entre ces deux choſes ?

Cependant quoique ces deux differentes eſpeces d’acquiſitions ſoient de la même nature dans l’ordre des conventions, & qu’il ne ſe ſoit encore