Page:Boudin - La Fameuse Comédienne, 1688, édition Bonnassies, 1870.djvu/65

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grand soin de sa beauté à mauvais augure pour son amour, il luy dit avec un visage assez chagrin :

« Nos vœux sont bien différents, Mademoiselle, et, du brillant dont vous estes aujourd’huy, vous souhaitteriez que tout le monde vous pust voir ; et moy, qui crains tousjours qu’il n’en vienne quelqu’un plus heureux que moy, je voudrois estre le seul à qui ce bonheur fust permis. »

La Moliere, qui luy vouloit faire valoir jusqu’à la moindre honnesteté qu’elle luy faisoit, luy respondit avec une fierté de commande : « Il est vray que vous avez sujet de vous plaindre de moy, et je n’ay pas pour vous des distinctions assez obligeantes ! Voilà comme vous estes tous faits : plus on vous donne et moins vous estes contents. Si les femmes estoient raisonnables, elles traitteroient tous les hommes avec la mesme indifférence, et j’ay envie, ajouta-t-elle, d’en user de cette maniere, afin que le droit de preference ne fasse point d’ennemis de mes amants. — Vous vous faites grand tort, repartit Du Boulay, si vous croyez que les demy-bontez que vous avez pour moy soient capables de me satisfaire ; il faudroit, pour cela, que vous fussiez faite autrement, ou que ma passion fust moins violente ; et, quand on est aussy amoureux que je le suis, on compte pour rien ce qui n’est pas la possession de ce