Page:Boudin - La Fameuse Comédienne, 1688, édition Bonnassies, 1870.djvu/70

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toutes mes assiduitez, mes soins ne sont pas des marques d’une véritable passion ? Eh ! quelles autres preuves pourriez-vous souhaitter pour estre entièrement convaincue de ce que je sens pour vous ? »

La Moliere demeura quelque tems sans luy respondre, et, tout d’un coup, prenant la parole : « Croyez-vous, dit-elle, que toutes les raisons que vous m’opposez soient suffisantes pour me prouver vostre amour ? Y a-t-il un homme dans le monde qui ne se fasse un plaisir d’avoir des faveurs d’une femme qu’il trouve aimable ? Et ne sçait-on pas qu’on n’y peut parvenir que par des soins que l’on prend de luy plaire ? Je puis croire que vous avez ces mesmes sentimens pour moy, et, si vous voulez que je les croye plus tendres et plus desinteressez, faites ce qu’il faut, afin que je n’en puisse douter, ou prenez le party de me laisser en repos, car je vous dis aujourd’huy pour la derniere fois qu’on ne peut rien esperer de moy du costé de la galanterie. »

Ce discours estonna Du Boulay et luy ouvrit les yeux sur les intentions de la Moliere. Il vit bien qu’elle s’estoit flattée d’une chose à laquelle il n’avoit nulle disposition. Neantmoins, il eut de la joye de sa folie et resoleut de la laisser dans son erreur, pour en profiter en luy donnant un peu d’esperance. Il ne faisoit pas de scrupule d’abuser de sa crédulité — ce n’est plus