Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/134

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plus clair à tout, et, quand cela ne serait pas, au moins nous n’aurons besoin de rien puisque nous serons auprès de ce que nous aimerons.


Ce 17. — Je t’ai mandé hier la mort de ce pauvre homme que je venais de voir, de consoler, de rassurer dans ses dernières angoisses. N’est-il pas venu ce matin chez moi un autre pauvre diable, que j’aime beaucoup, parce que c’est le meilleur matelot et le meilleur sujet de notre petite marine, qui m’a demandé de se faire opérer pour le même mal au foie. Mes idées noires sont revenues sur-le-champ à mon esprit et je me suis encore mis à déplorer le sort de l’humanité. L’opération est jugée nécessaire ; elle est effrayante et peu sûre par elle-même et les chaleurs dont tu te fais et dont tu ne te fais pas l’idée ajoutent encore au danger. Que faire ? Si l’homme garde son mal, il meurt et dans un terme bien court ; s’il l’extirpe, il doit mourir aussi, selon toutes les apparences et dans d’horribles supplices. Un peu d’espérance de vivre, ou, pour mieux dire, un peu de doute de mourir doit-il être payé aussi cher ? Voilà ce que je dis intérieurement et ce qui peut s’appliquer à presque toutes les délibérations des hommes. Tout cela est bien triste, mais le temps qui l’a apporté l’éloignera ; il m’a éloigné de toi ; il m’en rapprochera. Alors nous commencerons par jouir du présent et nous tâcherons après d’arranger l’avenir.


Ce 18. — Le pauvre petit officier que j’avais conduit à Serre-Lionne y est mort et me voilà obligé de reprendre une première résolution que je n’ai pas pu suivre d’abord : c’est de retirer le poste qui est