Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moi du tien, ainsi nos deux médiocrités se conviendront toujours à merveille.


Ce 4. — Voilà la Cousine, au moins je crois que c’est elle à son port, à sa grâce, à sa légèreté, à la manière brillante et ferme dont elle se soutient et dont elle avance en dépit du vent contraire. C’est elle, tous les rapports me le confirment. Le petit Villeneuve est déjà sauté dans une pirogue pour aller au devant. J’espère à présent partir dans huit jours, car il faudra bien ce temps-là pour décharger ce qu’elle apporte et pour embarquer ce que j’emporte, ne fut-ce que l’eau, le bois et les vivres. N’importe, c’est un grand bonheur après de pénibles incertitudes d’avoir enfin un terme et de penser que bientôt chaque souffle de vent m’approchera de mon désir.


Ce 5. — La commission de ma Cousine a été parfaitement remplie ; elle apporte vingt-deux milliers de riz, ce qui fait trente mille rations et par conséquent la vie de cinq cents malheureux pendant deux mois. C’était à peu près la mesure de nos besoins ; en y joignant comme j’ai déjà commencé à peu près la même quantité de mil, il ne me restera plus la moindre inquiétude. Ce riz-là, y compris beaucoup de présents faits aux naturels du pays, revient à un sol et demi la livre. Je compte en porter cinq ou six milliers en France pour le faire connaître et annoncer une grande ressource en cas de disette. J’emporterai aussi du mil de toutes les manières, en grain, pilé et même préparé de façon à être mangé tout de suite en le détrempant au bout de six mois de garde. Mais c’est bien la peine de te parler de choses utiles tandis que j’ai des montagnes d’inutilités à ton ser-